Sècheresse, canicule, quelles mesures en agriculture biologique ? Part 2

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Comment économiser l’eau de votre exploitation en période de sècheresse ?

Les évènements climatiques stressants pour les cultures deviennent aujourd’hui monnaie courante. Dans un premier article, nous évoquions la nécessité de maîtriser la réserve hydrique du sol pour limiter les conséquences des périodes de stress hydriques. Nous rappelions l’importance de la structure du sol, de l’enracinement et de l’implantation d’arbres pour agir sur cette réserve. D’autres facteurs sont essentiels à prendre en compte pour améliorer la gestion de l’eau sur une exploitation.

Ainsi, selon la FAO, seuls 40% de l’eau prélevée pour l’agriculture dans les rivières, lacs et nappes souterraines participe réellement à la production agricole, le reste se perdant dans l’évaporation, l’infiltration profonde, la croissance des adventices ou au cours de l’irrigation (FAO, 2004). Les conditions sèches devenant de plus en plus régulières, une meilleure utilisation de l’eau par la réduction des pertes permettrait de limiter les stress des cultures et d’assurer un rendement plus stable.

 

Comment limiter les pertes hydriques et améliorer l’absorption de l’eau en saison sèche ?

 

La couverture du sol pour limiter les pertes par évaporation

L’évaporation du sol est le processus par lequel l’eau liquide est transformée en vapeur d’eau et quitte la surface du sol. Cette évaporation est régulièrement couplée à la transpiration des plantes, d’où le terme d’évapotranspiration pour qualifier la perte en eau. Elle est conditionnée par les paramètres de l’air comme le rayonnement solaire, la vitesse du vent, la température, l’humidité relative etc., mais également par les paramètres du sol tels que la teneur en eau, la succion, la température, la conductivité hydraulique et la végétation. (An-Ninh TA, 2009)

L’évaporation est une étape très importante du cycle de l’eau. 50 à 70 % des précipitations annuelles retournent dans l’atmosphère sans contribuer à la production de biomasse et à la croissance des végétaux (Zribi et al., 2014).

Avec l’élévation des températures due au réchauffement climatique, l’évaporation a un rythme plus rapide. D’ici la fin du siècle on estime que l’évapotransiration s’intensifiera et que la plupart des régions doivent s’attendre à perdre en moyenne un millimètre d’eau par jour dans le sol. En Suisse, par exemple, cela correspond à la perte de environ 20 % des précipitations estivales moyennes actuelles. (Schmocker-Fackel et al., 2021)

 

Il existe plusieurs techniques pour réduire les pertes d’eau par évaporation :

La réduction des pertes en eau grâce à un couvert est mise en évidence grâce aux essais sur semis direct (Findeling, 2001). En semis direct sous couvert, l’interception de la pluie plus importante grâce à la biomasse réduit le ruissèlement et favorise l’infiltration de l’eau de pluie dans le sol. Ainsi, le semis direct permet une optimisation de 35% de plus de l’eau de pluie pour une biomasse de 4,5t/ha ; un gain d’eau qui peut s’avérer très important en conditions sèches.
Le paillage est la technique de couverture de la surface du sol autour des plantes avec un paillis organique ou synthétique pour créer des conditions favorables à la croissance des plantes. En conditions sèches, le paillage est utilisé comme technique de conservation d’eau par ses fonctions de régulation de l’humidité et de l’évaporation du sol (Abdul Kader et al, 2019). Le paillage organique peut être du compost ou des résidus de culture laissés sur le sol après la récolte ou après destruction d’un couvert.

 

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Figure 1 : Taux d’évaporation du sol selon le type de paillage (Zribi et al., 2015)

Lien : Efficiency of inorganic and organic mulching materials for soil evaporation control | Elsevier Enhanced Reader

 

En vigne, l’application de mulch permet d’augmenter l’humidité du sol de 2 à 5% jusqu’à 60 cm en profondeur (Pinnamonti, 1998 ; Agnew et al, 2002 ; Némethy, 2004). Selon le type de mulch appliqué, la limitation de l’évaporation peut varier de 10 à 80%. Le géotextile, grâce à ses pores plus fins est en contact avec le sol mouillé et peut absorber l’eau par capillarité. (Zribi et al., 2015)
L’efficacité des résidus de cultures sur la réduction de l’évaporation est principalement liée à la présence d’une couche de surface qui présente une conductivité hydraulique plus faible. Le comportement hydrophobe à travers l’ajout des résidus de cultures riches en matière organique contribue à réduire les pertes en eau par évaporation et donc permet de mieux conserver l’eau. (Zribi et al., 2015)
Bien que le paillage plastique soit plus coûteux que les résidus de culture, il est plus efficace dans la réduction de l’évaporation. (Zribi et al., 2015)

Une gestion maitrisée des ressources hydriques est fondamentale pour répondre à la sécheresse. Cependant certaines cultures nécessitent un apport d’eau extérieur en plus des eaux de pluies pour couvrir les besoins.

 

L’irrigation raisonnée : l’eau au bon moment

En moyenne 4 000 m3 / ha d’eau sont destinés à l’irrigation en Europe (Parisse, 2018). Cette consommation est fortement variable selon les pays : l’Italie et l’Espagne représente 70% de l’agriculture irriguée en Europe en 2010. (Parisse, 2018)

Du fait du changement climatique, les besoins en irrigation deviennent de plus en plus importants. Une meilleure efficience de celle-ci peut permettre de faire des économies importantes d’eau et de revenu. Pour optimiser l’apport d’eau en irrigation, il faut prendre en compte différents paramètres : la dose et la date des apports, le pilotage et le matériel d’irrigation (Amigues et al., 2006)

Un apport aux stades les plus sensibles de la culture est conseillé. Ainsi un déficit hydrique pendant le remplissage des grains, peut faire fortement baisser le rendement. En effet, pour du blé, ce sont entre 15 et 25 quintaux / ha de perdus pour un déficit en eau atteignant 45% (Gate, 1995 ; Durand, 2021). Il est alors important de privilégier une irrigation entre mai et juin pour les céréales d’hiver, et en juillet pour le maïs et la betterave (Figure 2).

 

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Figure 2 : Stades repères des périodes de sensibilité à la sécheresse (Chambres d’agricultures Loir-et-cher)

 

La dose d’irrigation doit être raisonnée selon la capacité de rétention du sol et selon la réglementation (conditions restrictives). Pour un surdosage de 10 mm, c’est 100 m3/ha perdus sur la parcelle (Chambre d’agriculture Loir-et-Cher, 2022)

Il est donc préférable d’apporter l’eau en plusieurs fois à des doses unitaires modérées. Pour la culture du maïs, un apport de 150 mm sera fractionné en 6 irrigations de 25 mm plutôt que 5 irrigations de 30 mm en tenant compte de l’humidité du grain. (Deumier et Lacroix, 2006)

Le suivi d’indicateurs de la disponibilité de l’eau (par tensiométrie ou bilan hydrique) permet d’avoir une information précise des besoins de la plante et d’apporter les doses au bon moment et en bonne quantité. L’usage de logiciels de pilotage permet de réduire les apports d’eau tout en conservant les rendements standards. (Chambre d’agriculture Tarn)

  • Les sondes de sol permettent de connaître, en temps réel, l’état hydrique du sol et de déclencher l’irrigation pour des besoins estimés plus fiables. Les changements de dates et de doses d’irrigation sont effectués en fonction du statut hydrique réel du sol. L’usage des sondes permet d’économiser des heures d’irrigation.
  • La tensiométrie est la mesure de tension de l’eau du sol, autrement dit, la force de succion que la racine doit exercer pour extraire l’eau disponible. La tensiométrie a la particularité de ne pas mesurer directement la quantité d’eau présente dans le sol mais sa disponibilité pour la plante. Quand les tensions sont hautes, cela signifie que l’eau est moins disponible pour la plante et elle a donc besoin de plus de « force » pour prélever l’eau. L’irrigation et la pluie, en rechargeant le sol en eau font baisser la tension.
  • Le principe des sondes capacitives permet de mesurer l’humidité du sol et de connaître le stock d’eau (en mm) sur la profondeur explorée par la sonde. Les sondes capacitives fournissent aussi des informations sur l’enracinement efficient des plantes par zone de prélèvement et permettent d’apprécier la porosité ou la compaction du sol par horizon.

Les tensiomètres et les sondes capacitives permettent de réaliser en moyenne 20-25 % (Serra-Wittling et al., 2020) d’économie d’eau.

Les économies d’eau peuvent être réalisées aussi au niveau du matériel utilisé (Serra-Wittling et al., 2020). Les systèmes d’irrigation localisée par goutte à goutte ou par micro-aspersion peuvent contribuer à réduire la quantité d’eau appliquée pendant la saison culturale par rapport aux systèmes d’aspersion classiques (canon enrouleur, pivot, couverture intégrale). Certains essais ont mis en évidence une économie d’eau de près de 30% grâce à l’usage de système localisés de type goutte-à-goutte. Les pertes d’eau par aspersion surviennent à plusieurs niveaux du parcours de l’eau : par dérive (action du vent) et évaporation directe, interception du couvert végétal, ruissellement, drainage et évaporation du sol. L’utilisation de systèmes d’irrigation localisés suppriment ces facteurs de pertes d’eau.

 

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Figure 3 : Pertes d’eau selon le matériel d’irrigation en millimètres (adapté de Serra et Wittling et al., 2020)

 

Afin de limiter les pertes en eau en irrigation, de nouvelles solutions prometteuses se développent. De nouveaux capteurs plus précis orientés sur l’estimation du besoin en eau de la plante pourront aussi faciliter la prise de décision. (Boloh, 2022)

 

En bref, comment limiter les pertes d’eau sur son exploitation ?

Les pertes en eau peuvent être limitées grâce à :

  • Une couverture du sol efficiente pour maintenir l’humidité du sol
  • Une mesure précise du sol pour mieux maîtriser ses besoins
  • Un système d’irrigation approprié avec un minimum de pertes

L’apport d’eau peut être complété par des solutions appliquées directement aux plantes leur permettant de résister au stress hydrique et de redémarrer leur croissance suite à l’épisode de sécheresse. Pour en savoir plus, rendez-vous dans le prochain et dernier article de notre mini- série sur les stress hydriques et thermiques.